Meurtre ignoble

Terrible nouvelle aujourd'hui.
mercredi 17 aout 2005, 20h58
Meurtre du Frère Roger: indignation dans le monde, son successeur à Taizé

TAIZÉ (AFP) - Des messages de tristesse et d'indignation arrivaient du monde entier à Taizé mercredi, après le meurtre mardi soir du fondateur de cette communauté oecuménique, Frère Roger, 90 ans, dont le successeur, Frère Aloïs, a été accueilli dans le calme par les jeunes.

"Nous recevons quantité de messages de différentes confessions", a déclaré Frère Aloïs, rentré dans la nuit des Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) à Cologne (Allemagne) pour succéder à Frère Roger.

Le pape Benoît XVI s'est dit lui-même "très triste" de ce décès, à la veille de son départ pour les JMJ, auxquelles avait régulièrement participé Frère Roger par le passé.

Le président Jacques Chirac a rendu hommage à "l'un des serviteurs les plus remarquables des valeurs de respect et de tolérance". "Rien ne peut expliquer cet acte atroce et lâche", a déclaré le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.

La dépouille de Frère Roger sera exposée à partir de jeudi, entre 15H00 et 19HOO, dans l'Eglise de la Réconciliation à Taizé, là même où il a été victime de coups de couteau et où des fleurs sont déposées depuis. Ses obsèques seront célébrées mardi prochain à 14H00 en ce lieu, et il sera inhumé dans le cimetière de la commune.

Frère Aloïs, un catholique allemand de 51 ans désigné par Frère Roger lui-même et qui s'est inscrit d'emblée dans sa continuité, a souligné "l'incroyable calme" qui règne à Taizé "malgré le drame". Les organisateurs des séjours de jeunes ont fait le choix de maintenir le programme habituel, avec des prières trois fois par jour, des rencontres bibliques le matin, des groupes de réflexion l'après-midi.

"Nous n'allons pas nous enfermer et pleurer !", s'exclame Olga, une Russe de 28 ans.

"Cela fait bizarre de vivre cet événement de l'intérieur. Je me dis: pourquoi est-ce que j'étais là ? Pourquoi l'a-t-elle tué, lui qui ne défendait aucune idée politique et qui repoussait toute question de guerre des religions ?", s'interroge Philippe, 25 ans, venu de Lille.

Rinalds Grants, un pasteur lettonien venu avec 70 compatriotes, est particulièrement affecté: "le prieur nous recevait régulièrement chez lui jusqu'à il y a deux-trois ans". Son fils Stephans, 6 ans, a été pris en charge avec ses parents pour une matinée de réflexion sur le thème de la mort.

Oana, une Roumaine de 21 ans, s'est sentie très mal à l'aise mardi soir: "Je viens de la même ville que l'agresseur, Iasi. Je la connaissais depuis 2 ans: c'était une marginale qui avait l'air toujours triste et qui se rendait régulièrement aux rencontres organisées par Taizé dans la ville. Je l'ai vue hier à l'accueil et j'ai discuté avec elle, car elle avait égaré son porte-monnaie. Je regrette de ne pas avoir davantage engagé la conversation", raconte-t-elle.

"Lorsqu'elle a sauté sur Frère Roger avec son couteau, j'ai cru voir le diable. Puis grâce au soutien de tous les jeunes, j'ai retrouvé l'unité et la paix caractéristiques de Taizé", ajoute Oana.

La femme de nationalité roumaine qui a mortellement blessé Frère Roger mardi soir voulait "attirer son attention mais ne voulait pas le tuer" selon ses déclarations, a indiqué le procureur de la République de Mâcon Jean-Louis Coste.

Le procureur de la République de Mâcon a déclaré mercredi à l'AFP qu'elle devrait être mise en examen jeudi pour assassinat.

La femme, âgée de 36 ans, prénommée Luminita, "a un discours cohérent mais l'expert a détecté un délire de type paranoïaque, sans abolition de la responsabilité mais avec une atténuation de celle-ci. Son état ne nécessite pas un internement", a dit Jean-Louis Coste.

"L'autopsie a confirmé que deux coups de couteau avaient été portés: un superficiel et un autre létal avec une plaie importante qui a sectionné le tendon et la trachée artère du cou", a ajouté le procureur.

"Compte tenu de la force utilisée, il y a eu une volonté d'homicide et la préméditation est par ailleurs établie par l'achat la veille d'un couteau", a-t-il poursuivi.