Thursday, February 02, 2006

Caricatures: polémique et réactions

C'est varié: il y a ceux qui ont peur et ceux qui tiennent bon.

jeudi 2 février 2006, 19h47
Caricatures de Mahomet: des prises de position de tous bords

PARIS (AFP) - Les prises de position se sont multipliées jeudi à propos de "l'affaire" des caricatures de Mahomet, avec des appels à la prudence et à la modération et un débat toujours aussi vif sur la liberté d'expression confrontée au respect réclamé par les religions.

C'est la publication mercredi dans France Soir des caricatures de Mahomet qui est à l'origine de cette déferlante de réactions dans un pays qui compte quelque 5 millions de musulmans. Les dessins en question avaient été diffusés le 30 septembre par le quotidien conservateur danois Jyllands-Posten.

Après la publication des dessins, l'actionnaire principal de France Soir, Raymond Lakah, a limogé son directeur de publication, "en signe fort de respect des croyances et des convictions intimes de chaque individu". Depuis, Eric Fauveau, le nouveau directeur par interim, lui-même candidat à la reprise du journal, a démissionné.

Jeudi, des barrières de sécurité ont été déployées autour du siège du journal et France Soir a été interdit au Maroc et en Tunisie.

Dans la journée, en signe d'apaisement, l'ambassadeur du Danemark en France a rendu visite au président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Dalil Boubakeur. Celui-ci a insisté sur la nécessité de ne pas déformer l'image de l'islam. "La liberté d'expression ne peut être la liberté de raconter des mensonges", a-t-il déclaré à la presse, "le prophète n'a pas fondé une religion terroriste, mais au contraire une religion de paix. Nous tenons infiniment à cette image et nous n'acceptons pas qu'elle soit déformée".

Le grand rabbin de France, Joseph Sitruk, a dit "partager" la colère des musulmans et jugé ces caricatures "déplacées". "On ne gagne rien à rabaisser les religions, à les humilier et à en faire des caricatures. Je pense que c'est un manque d'honnêteté intellectuelle et un manque de respect", a-t-il ajouté.

Côté catholique, le père Jean-Marie Gaudeul, responsable du Secrétariat pour les relations avec l'islam soulignait dès mercredi que "notre société est bâtie sur le respect de l'autre: le désaccord peut construire, la dérision tue".

Mgr Pierre Whalon, évêque de l'Eglise épiscopalienne pour l'Europe, a parlé d'une "bassesse de très mauvais goût". "Lorsque Jésus est caricaturé et ridiculisé, les chrétiens sont heurtés, nous comprenons la réaction des musulmans qui y voient une attaque directe contre leur religion".

Pour le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, "la caricature, c'est l'excès". "A tout prendre, je préfère l'excès de caricature à l'excès de censure", a-t-il affirmé.

"La démocratie, c'est la possibilité de la critique, de l'échange des arguments et de la caricature" (...) Et "lorsque la caricature va au-delà du raisonnable, ce sont les tribunaux qui en jugent et pas les autorités religieuses, et pas les gouvernements des pays musulmans", a encore estimé M. Sarkozy.

Au délà des débats d'idées et de convictions, le ministère des Affaires étrangères a rappelé jeudi ses recommandations aux Français de ne plus se rendre dans la bande de Gaza, en réaction aux menaces lancées jeudi par deux groupes armés palestiniens et liées à l'affaire des caricatures.

Du côté de la presse, Reporters sans frontières a lancé jeudi dans un long communiqué un "appel au calme et à la raison" alors que "la polémique" suscitée par les caricatures prend "une tournure inquiétante".

"Si nous comprenons que de nombreux musulmans aient été choqués par ces publications - l'islam interdisant toute représentation humaine du Prophète - rien ne saurait justifier des appels à la violence ni quelques menaces que ce soit", écrit RSF.

René Pétillon, dessinateur de presse et de bande dessinée, a jugé "la riposte à ces dessins complètement disproportionnée". (...) "Ce boycott, c'est absolument délirant".

Le Monde a publié un (grand) dessin de Plantu où d'innombrables lignes d'écriture entremélées, "je ne dois pas dessiner Mahomet", composent le portrait du Prophète et Libération annonce qu'il consacrera six pages au sujet dans son édition de vendredi.

Enfin, l'hebdo satirique Charlie-hebdo publiera la semaine prochaine les caricatures de Mahomet "par solidarité et par principe", a dit le directeur de la publication, Philippe Val.

jeudi 2 février 2006, 19h06
Caricatures de Mahomet: France Soir se défend, les dessins publiés à travers l'Europe

PARIS (AFP) - Le quotidien parisien France Soir a défendu jeudi le droit de la presse à railler n'importe quelle croyance religieuse après la controverse suscitée par sa reproduction la veille des caricatures danoises à l'image supposée du prophète Mohamed.

Dès sa une, clamant "Au secours Voltaire, ils sont devenus fous!" au dessus d'une photo montrant des fidèles brûlant un drapeau danois, le journal français demande puisque "l'Islam interdit à ses fidèles toute représentation du Prophète ... la question qui se pose est la suivante : tous ceux qui ne sont pas musulmans sont-ils tenus de se conformer à cet interdit?"

Le quotidien Le Monde, par un dessin de Plantu à la une et un éditorial, s'est joint jeudi, dans son édition datée de vendredi, à ceux qui défendent le droit de publier des dessins représentant ou caricaturant Mahomet.

"Un musulman peut être choqué par un dessin, surtout malveillant, de Mahomet. Mais une démocratie ne saurait instaurer une police de l'opinion, sauf à fouler aux pieds les droits de l'Homme", écrit le journal dans un éditorial intitulé "Caricatures libres". Plusieurs journaux européens avaient décidé de publier mercredi, au nom de la liberté de la presse, les caricatures de Mahomet, qui valent déjà au journal danois Jyllands-Posten les foudres du monde musulman.

En France, le quotidien populaire France Soir est pour le moment le seul à avoir publié mercredi les 12 caricatures du prophète avec en titre de "une": "Oui, on a le droit de caricaturer Dieu".
L'éditorial précise qu'"il n'y a dans les dessins incriminés aucune intention raciste, aucune volonté de dénigrement d'une communauté en tant que telle".

Le propriétaire de France Soir, l'homme d'affaires franco-égyptien Raymond Lakah, a limogé le président et directeur de la publication Jacques Lefranc, après la reproduction des caricatures de Mahomet.

M. Lakah indique avoir "décidé de révoquer M. Jacques Lefranc de sa fonction de président et directeur de la publication en signe fort de respect des croyances et des convictions intimes de chaque individu".


"Nous présentons nos regrets auprès de la communauté musulmane et de toutes personnes ayant été choquées ou indignées par cette parution",
ajoute-t-il.

Eric Fauveau, désigné par Ramy Lakah comme directeur de la publication par interim de France-Soir, lui a présenté jeudi sa démission, dans une lettre qu'il a lue en assemblée générale.

Eric Fauveau indique dans sa lettre à Raymond (dit "Ramy") Lakah qu'il ne pouvait accepter, "dans (sa) situation actelle, les fonctions de représentant de la société Montaigne Press auprès de la société Presse Alliance et de directeur de la publication par intérim".

Il démissionne également de son poste de directeur général de Presse Alliance, société éditrice de France Soir, qu'il occupait depuis le janvier 2005. Il justifie sa démission parce qu'il est "porteur d'un projet de reprise de la société Presse Alliance et explique qu'il souhaite se consacrer "à cette tâche importante pour l'avenir du titre".

En Espagne, le quotidien national ABC (droite) et le quotidien catalan El Periodico (gauche) ont reproduit les dessins satiriques.

El Periodico assortit la publication d'un commentaire: "Il est logique que les caricatures irritent certains musulmans. Mais il n'est pas logique que, au nom d'une lecture littérale et inhumaine du Coran, on essaie d'éliminer aussi à l'étranger les critiques ou qu'on menace ceux qui (...) exercent la satire".

La presse britannique n'a pas publié les caricatures.

En Italie, "La Stampa" illustre un article factuel sur le sujet avec un des dessins les plus polémiques, montrant Mahomet coiffé d'un turban en forme de bombe à la mèche allumée. Toutefois, le journal n'invoque pas la liberté d'expression. Il Messaggero se contente d'un article, sans caricature.

En revanche, le quotidien à plus fort tirage d'Italie, Il Corriere della Sera, a publié deux dessins lundi, dont celui du prophète accueillant des kamikazes au paradis en déplorant une rupture de stock des jeunes vierges.

Ils sont assortis d'une longue chronique de Magdi Allam, éditorialiste musulman, qui juge les caricatures "certainement discutables", mais n'en défend pas moins la liberté d'expression. "Qu'attend l'Occident pour intervenir? Adoptera-t-il la politique de l'autruche jusqu'à ce qu'un autre Theo van Gogh soit assassiné (NDLR: cinéaste néerlandais assassiné en novembre 2004 par un islamiste maroco-néerlandais), à Copenhague ou à Oslo?", demande-t-il.

En Suisse, le quotidien populaire Blick a publié mardi deux des dessins incriminés et La Tribune de Genève compte publier les caricatures dans son édition de jeudi, afin, selon le rédacteur en chef du quotidien, "d'alimenter le débat en montrant l'objet du délit".

"Cette affaire est une illustration du choc entre une culture très sécularisée comme la nôtre et une autre culture où la religion est centrale", explique Dominique von Burg. "On peut comprendre les sentiments des musulmans, mais nous sommes dans un Etat pluraliste, on a le droit de faire ça".

Aux Pays-Bas, De Volkskrant (progressiste), De Telegraaf (populaire), NRC Handelsblad publient un ou plusieurs dessins ou la reproduction de la page incriminée de Jyllands-Posten.

Les autres journaux ont opté pour des photos de manifestants devant les ambassades danoises ou des dessins de leurs propres caricaturistes.

La France ne saurait remettre en cause la liberté de la presse, après la publication de caricatures de Mahomet, mais souhaite qu'elle s'exerce dans "un esprit de tolérance", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy.

"Les caricatures publiées ce jour (mercredi) dans ce journal n'engagent que la responsabilité du journal", a déclaré le chef de la diplomatie française qui était interrogé sur la publication des caricatures du prophète par le quotidien France Soir.

"Le principe de liberté de la presse, que les autorités françaises défendent partout dans le monde, ne saurait être remis en cause", a ajouté M. Douste-Blazy. "Il doit toutefois s'exercer dans un esprit de tolérance, dans le respect des croyances et des religions, qui est à la base même du principe de laïcité en vigueur dans notre pays".
En Allemagne, Hendrik Zörner, porte-parole de la Fédération des journalistes allemands (DJV), s'est dit hostile à la publication des caricatures. Le code de déontologie de la presse allemande, a-t-il rappelé, proscrit les articles ou images susceptibles de porter une grave atteinte "aux sentiments religieux ou moraux d'un groupe de personnes".
Le quotidien Die Welt (conservateur) est le seul grand journal à reproduire en "Une" une des caricatures danoises (Mahomet coiffé d'un turban en forme de bombe). Quatre autres dessins sont publiés en pages intérieures.

Dans son éditorial, le journal écrit: "On prendrait les protestations musulmanes plus au sérieux si elles étaient moins hypocrites. Quand la télévision syrienne a diffusé en prime-time des drames documentaires montrant des rabbins en cannibales, les imams se sont tus", écrit Die Welt.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home